EPCP Interprofessionalité et co-construction

La co-construction est le processus de participation agissante des bénéficiaires, acteurs dans l’accompagnement qu’il leur est proposé. Autrement dit, elle est le processus par lequel les bénéficiaires (en l’occurrence enfant, tiers et familles) participent activement à l’élaboration (construction) d’un dispositif ou d’un accompagnement et deviennent véritablement actrices dans le processus. Elle nécessite un recueil de la parole et de toute forme d’expression et, plus largement qu’une participation qui sous-entend que l’on agit dans un cadre déjà déterminé, une action dans l’élaboration des dispositifs dans leur intégralité, que ce soit des objectifs, des références, du cadre, de contenus, des principes d’évaluation, etc.

L’interprofessionalité, quant à elle, est le processus par lequel chaque professionnel.le qui agit autour du mineur, quelle que soit son institution ou son métier, est impliqué dans cet accompagnement. Nous appelons ainsi « interprofessionnelité » les processus par lequel des professionnel.le.s de métiers initiaux différents, de champs d’interventions principaux différents et relevant d’institutions différentes travaillent ensemble sur un sujet précis, en l’occurrence la protection d’un enfant en situation de danger.

Objectifs de recherche

Dans le cadre de l’assistance ou de l’aide éducative, les conseils départementaux ou territoriaux de Martinique, Réunion et Saint-Martin mettent actuellement en place un mode d’accompagnement spécifique et dédié aux enfants confiés à des proches (tiers dignes de confiance ou tiers bénévoles), à ces tiers et aux familles.

Dès lors, dans chacun de ces territoires, les services de la direction Enfance et Famille (Def) élaborent actuellement un accompagnement spécifique, en faveur en premier lieu des enfants confiés dans le cadre d’une prestation administrative mais aussi dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative.

La recherche citée en volet 3 a pour objectif d’étudier dans quelle mesure et comment l’inter professionnalité et la co-construction sont mis en œuvre pour « penser » cette nouvelle prestation, ou complément de prestation. La présente recherche, en volet 4 vient en aval. Elle vise à étudier dans quelle mesure et comment l’inter professionnalité et la co-construction sont mises en œuvre dans l’exercice effectif de la mesure et de la prestation, une fois qu’elle a été mise en place dans chacun des trois territoires.

De façon générale, il s’agit de savoir comment se pratique l’interprofessionnalité dans la pratique de cet accompagnement spécifique : En ce qui concerne un mineur précis, quels sont les autres professionnel.le.s et institutions engagés dans la pratique concrète de cette nouvelle forme d’accompagnement ? Sur quels sujets ont-ils été contactés, associés, voire impliqués ? A quels moments ? Sur quel mode ? Avec quels objectifs ?

De même, nous analyserons la façon dont se pratique la co-conconstruction avec les acteurs (enfant, tiers et famille) dans la pratique de cet accompagnement spécifique : En ce qui concerne un mineur précis qui bénéficie de ce type d’assistance ou d’aide éducative, quels sont les autres membres de la famille qui ont été contactés, associés, voire impliqués ? Sur quels sujets ? Au quels moments ? Sur quel mode ? Avec quels objectifs ? Idem en ce qui concerne le mineur ?

Ainsi, sur le plan de la recherche, les objectifs du projet sont d’évaluer la qualité de l’accompagnement proposé aux mineurs protégés confiés à un proche sur les deux dimensions fondamentales de la co-construction et de l’interprofessionalité.

Plus concrètement, pour se reposer sur le nouveau mode d’accompagnement qui a été mis en place à la Martinique, à la Réunion et à Saint-Martin, et sur l’étude des situations sélectionnées, il s’agit de contribuer à répondre à plusieurs questions :

  • Pour chaque situation, selon les acteurs et les professionnels, quels sont les objectifs poursuivis en termes de contrôle (puisque l’enfant a été reconnu en situation de danger et qu’il est en besoin d’être protégé) et d’accompagnement des enfants, des tiers et des parents ? Sur la base de quels références, critères et processus d’évaluation est proposée cette prestation spécifique ?
  • Pour chaque situation, quel est le processus de décision qui conduit à proposer un tiers, principalement « administratif » mais aussi judiciaire lorsque cette mesure est préconisée dans le cadre de l’évaluation de la situation individuelle (IP ou MJIE) ? Quels éléments rentrent en compte : type de danger, présence d’un proche qui fait déjà référence pour l’enfant et qui est disponible, choix d’un proche quand plusieurs sont prêts à assumer cette responsabilité, attention à préserver pour l’enfant un milieu social et « culturel » identique, etc. ? Selon chacun des acteurs et chacun des bénéficiaires mais aussi sur la base de quels échanges et de quelles concertations ?
  • Pour chaque situation, quelle est la nature de ce dispositif d’accompagnement ? Qui sont les acteurs de l’accompagnement ? Quels sont leurs apports, selon leur place et position ? Dans le cadre administratif, le fait d’un accord des parents conduit-il à des pratiques institutionnelles et professionnelles spécifiques avec chacun de ces acteurs ?
  • En ce qui concerne chaque situation, et pour développer les premiers éléments obtenus sur la base du questionnaire inclus dans le volet commun, de quels soutiens (pécuniaire, social, psychologique…) le mineur, parents et tiers bénéficient-ils ? Comment ce soutien se met-il en place ? Quels sont les objectifs de l’Ase et des associations qui soutiennent ou mettent en place ces dispositifs ? Dans ce dernier cas, quels sont les attendus et les modalités de conventionnement avec les associations prestataires ? En ce qui concerne les tiers administratifs, sur quels aspects ce soutien répond au décret n° 2016-1352 du 10 octobre 2016 ? Comment évolue-t-il au fur et à mesure de son élaboration et mise en œuvre ? Selon quelles contraintes et nouveaux objectifs ?
  • De quel contrôle le mineur et le tiers font-ils l’objet ? Comment ce contrôle se met-il en place ? Quelles limites et quels enjeux ?
  • Quelle place ont chacun des acteurs (mineur, tiers, parents et professionnels d’accompagnement) dans la mise en œuvre de chaque prestation qui les concerne mais aussi dans l’évaluation et la gouvernance du dispositif lui-même ? Quel dispositif de suivi et d’évaluation du type d’accompagnement ou du dispositif mis en œuvre ?

Objectifs sociaux et citoyens

Sur le plan de l’élaboration de la politique publique, cet objectif sur le plan de la recherche est au service de trois autres objectifs qui en découlent :

  • Faire des préconisations afin d’améliorer l’offre d’accompagnement (soutien et contrôle adaptés répondant aux besoins), voire de la développer.
  • Développer les solidarités « privées » mises en œuvre par des proches par l’offre d’un soutien par une solidarité publique (l’accompagnement).
  • Valoriser l’action innovante des départements et collectivités d’outre-mer qui se révèlent être de véritables laboratoires et pôles d’expérimentation.

Population

  • Dans chaque département, nous procédons à la sélection des 15 premiers mineurs (10 « judiciaires » et 5 en « administratifs ») qui sont confiés à des proches durant le premier mois du début de l’étude. Soit 45 situations au total. A Saint-Martin, les entretiens se sont déroulés avec l’ensemble de l’effectif des enfants concernés par ce type de mesure/prestation.
  • Échantillon sélectionné en « décalé » de deux mois dans chacun des départements, en préparation de chacune des études de « terrain ».

Périodes d’enquête auprès des mineurs et des familles

  • Sauf opposition des parents détenteurs légaux de l’autorité parentale, et avec l’autorisation expresse du mineur, il est procédé à des entretiens avec le mineur, le tiers et les parents, dans des lieux qu’ils choissent (domicile, lieu public de type café…). L’objectif est de connaître le degré et les modalités d’implication durant les phases suivantes qui scandent les deux premières années du parcours de l’enfant : Évaluation initiale (consultation du dossier puis entretiens en visite 1 : Premiers mois) et projet pour l’enfant (consultation du dossier, observation puis entretiens en visite 1 : Premiers mois).
  • Deux rapports de situation (consultation du dossier, observation puis entretiens en visite 2 et 3, au bout d’un an puis au bout de deux ans),
  • Éventuellement : entretiens à 16 et 17 ans et lors de l’évaluation de la demande d’aide jeune majeur (consultation du dossier, observation puis entretiens en visite 2 et 3, au bout d’un an puis au bout de deux ans),
  • Évaluation avant le passage devant la commission de révision du statut (au bout de deux ans pour les enfants de plus de deux ans, tous les six mois pour les enfants de moins de deux ans) (consultation du dossier, observation puis entretiens en visite 2 et 3, au bout d’un an puis au bout de deux ans),
  • Échanges concernant tous les actes de la vie quotidienne quand un besoin se fait ressentir (consultation du dossier, observation puis entretiens en visite 1, 2 et 3, dans les deux premiers mois, bout d’un an puis au bout de deux ans),

Le suivi est ainsi réalisé durant deux années. Il nécessite a minima une présence dans chacun des lieux d’observation lors des deux premiers mois de début de la mesure/prestation (étude de l’évaluation initiale et période d’élaboration du PPE), à la période anniversaire (1 an et 2 ans) de la mesure/prestation pour le rapport de situation, lors des entretiens et de l’éventuelle demande d’aide « jeune majeur » si le jeune va sur ses 16, 17 ou 18 ans, au bout de deux ans lors de la préparation de l’étude de la situation par la commission de révision du statut. De façon complémentaire, nous effectuons un recensement et une étude de tous les documents légaux qui accompagnent ces phases, afin de procéder à la confrontation des documents avec le discours des bénéficiaires.

Périodes d’enquête auprès des institutions et professionnel.le.s

Parallèlement, nous étudions la sollicitation des autres professionnel.le.s et des autres institutions à chacune de ces phases du parcours de l’enfant et des modalités de participation et de contribution mises en œuvre.

Pour étudier les pratiques de co-construction avec les bénéficiaires, nous procédons sur la base d’entretiens individualisés avec les bénéficiaires (enfant, tiers, famille), d’observation in situ de situation (visites de professionnel.le.s, réunions…), d’analyses de documents, sur la base d’autant de supports : Guides d’entretien, cahiers d’observation, grille de lecture des documents. Pour élaborer ces outils, nous nous fondons sur l’ensemble des recherches menées sur ce sujet au sein de l’équipe Efis du Cref : https://efis.parisnanterre.fr/

Pour élaborer les guides d’entretien avec les professionnel.le.s, et pour préparer les grilles d’analyse et les cahiers d’observation de l’interprofessionalité, nous nous fondons sur le cadre commun du projet Erasmus + Interpro, « Huit grandes questions clés (et sous-questions) pour étudier la pratique de l’interprofessionnalité ». Le schéma ci-dessous, présenté par Louise Lemay le 12 novembre 2019 à Bruxelles, lors de la réunion de lancement du projet Erasmus+ Interpro, synthétise le champ du questionnement.

Les entretiens font l’objet d’une analyse qualitative. En effet, comme ils ne seront pas entièrement retranscrits, ils ne peuvent pas faire l’objet d’une analyse statistique, textuelle notamment.

Les entretiens, réalisés sur la base de guides, sont enregistrés avec l’accord de la personne majeure qui répond ou, lorsqu’il s’agit d’un mineur, avec son accord et sans l’opposition des détenteurs de l’autorité parentale qui ont été auparavant informés.

Les personnes participant à l’entretien sont informées de leurs droits et des implications que leur réponse engendre. Il leur est spécifié que le fait de répondre est une démarche totalement libre et qu’en cas d’acceptation ou de refus, elle n’a aucune conséquence sur leur existence, professionnelle comme personnelle.

Les questions sont factuelles ; lorsqu’elles portent sur des questions plus larges (évoquer une difficulté), elles sont suffisamment ouvertes pour ne pas engendrer des troubles chez les répondants. L’enfant est invité à répondre par le biais du tiers qui assure sa protection. Ce tiers peut l’accompagner dans le processus et adaptera donc éventuellement le questionnement, si jamais il provoque des troubles. Par ailleurs, si la personne le souhaite, nous lui proposons de rencontrer un.e psychologue ou un agent « social » de l’Ase.

L’entretien se fait en français. Toutefois, s’il s’avère que l’interlocuteur préfère parler en créole (ou une autre langue), il lui est proposé de suspendre l’entretien et de revenir avec une personne qui maîtrise bien ladite languie et le français, afin d’engager l’échange. Le formulaire d’information ainsi que les modalités de consentement sont dans ce cas traduits.

Ensuite, l’ensemble des données (notes et enregistrements), rendues anonymes, notamment par la suppression des prénoms et noms, mais plus largement par la suppression de toute information qui permettrait de reconnaître le répondant, est analysé par l’équipe de chercheur.e.s de l’UPN. A contrario, hormis les mineurs, toutes les personnes interviewées pourront donner leur autorisation pour être nommément citées (parfois la demande de citation émane de la personne puisque le fait d’être écouté est vécu comme une reconnaissance). Les retranscriptions des entretiens sont conservées sur les postes des chercheur.e.s porteurs du projet, Gilles Séraphin et Virginie Avezou-Boutry, pour une durée de 3 ans maximum. Elles sont conservées uniquement sur les postes de ces chercheur.e.s.

Une fois la recherche réalisée, il sera produit un document de synthèse qui sera adressé à tous les participants par le service Ase concerné. L’équipe de Nanterre sera également disponible pour rendre compte sur place des résultats, lors de réunions publiques.

Volet spécifique « Interprofessionalité et co-construction » : Mise en œuvre de l’interprofessionalité et de la co-construction dans l’élaboration et la mise en oeuvre du dispositif d’accompagnement. Cette étude de l’interprofessionnalité et de la con-construction est réalisée par l’UPN, sur les territoires de la Martinique, la Réunion et Saint-Martin.

Période : 2019-2022.

Méthode : Entretiens, observations.

Soutiens : Ce projet constitue le volet « Observation des pratiques » du Projet Erasmus+ Interpro, faisant l’objet de la convention « Project with multiple beneficiaries under the ERASMUS+ Programme concerning the implementation of the Erasmus+ Strategic Partnership : « Training challenges of interprofessionality in social intervention – INTERPRO n°19PS0002” » (réunissant la HE2B -Belgique, l’Université de Belgrade -Bulgarie, l’Université de Lisbonne -Portugal, l’Université de Sherbrooke -Québec- et l’Université de Paris-Nanterre -France) avec, comme terrain d’observation, La Réunion. Dans son aspect « co-constrution », avec comme terrains s’observation Saint-Martin, La Martinique et La Réunion, il est par ailleurs soutenu par la Fondation de France.

Avis RGPD : Aval DPO UPN juillet 2020.

Avis éthique : Avis favorable du Comité d’éthique et de recherche SPSE de l’UPN en le 25 août 2020 (avis n° 2020-08-01).

Communication set publications :

Comment l’interprofessionnalité de vit ? Étude de cas à la Réunion (Erasmus +Training challenges of interprofessionality in social intervention–INTERPRO n° 19PS0002). Voir : https://hal.science/hal-03889313

Voir également un article tiré de cette recherche : SÉRAPHIN Gilles, « Comment faire alliance pour protéger un enfant en danger ? L’accompagnement des tiers à la Réunion », La revue internationale de l’éducation familiale, n° 51, 2023, pp. 143-163.